A propos de l’être-danseur en tant qu’ artiste-danseur
A propos de l’être-danseur en tant qu’ artiste-danseur
Annexe 1 - A propos de l’être-danseur en tant qu’ artiste-danseur
Roland Paulin, ( fév. 1999 ) : “ "Danser" pour moi, est un tout autre mot, et a un tout autre sens, que celui d'interpréter une chorégraphie. "danser" implique une toute autre relation à soi, à "l’être", beaucoup plus fondamentale.
Ce qui m'intéresse, ce n'est donc pas d'établir, ou de fixer, une forme;
C'est de trouver le chemin pour parvenir à puiser à la source même de la danse.
Pour moi, la danse “elle même”, est imprévisible, inconnaissable;
état de jaillissement libre et spontané du mouvement et de la pensée;
surgissement non pensé ( vrai, non prémédité) de l'acte ( de l’acte-en-danse) ;
“ émerveillement ”.
C'est là la fraîcheur à laquelle je suis attaché.
Ensuite, ce qu’il est bien sûr nécessaire de préciser, c’est la structure dans laquelle la danse, “danser”, va s’inscrire : structure des éclairages; choix des musiciens, de leur initiative structurée par le silence; et choix d’espaces définis, éventuellement élaborés du point de vue plastique; pour son évolution, pour son déploiement.
Ainsi conçu et considéré, "danser" est véritablement quelque chose de très spécial;
Quelque chose comme le chant singulier et immédiat de l' “être”, en situation.
Quelque chose qu’il est devenu aujourd’hui, plus que jamais peut-être, nécessaire de manifester.”
Roland Paulin, (déc. 2000) : “ Etre artiste-danseur, ce n’est pas s’attacher à simplement construire de beaux spectacles; c’est s’intéresser à résoudre le sens même de la danse, le sens de la pratique de la danse telle que mise en jeu dans le contexte d’un spectacle, sa destination (par sa destination j’entends son acheminement dans la réalisation d’un destin, ou d’une démarche, donnés), et à travers cela, de par ce chemin suivi (vers cette destination), sa signification en tant qu’exprimant une certaine réalité, une certaine vérité.
C’est avec cette vérité que l’artiste danseur est confronté, qu’il se doit d’être confronté; c’est là le fondement même de sa pratique : en ce questionnement incessamment renouvelé, incessamment réitéré sur le sens de sa pratique.
nota : parler ici de sens, c’est en parler dans toute la dimension du mot : c’est parler du sens en tant que direction... à suivre, à prendre, concrètement, dans l’espace, pour l’artiste-danseur; c'est en parler en tant que signification... qui en est l’aspect le plus abstrait et celui sur lequel porte plus naturellement le déroulement du propos en cours; c’est en parler, enfin, également en tant que sensation... car dans la pratique de l’artiste danseur telle que je l’explore, la sensation, en tant qu’elle est concrètement vécue et donc agissante est un vecteur déterminant de la prise d’initiative, imposant ainsi son incidence directe à la fois sur le choix -l’écriture- de la direction, et sur la prise en vue de l’émergence d’une signification.
L’artiste-danseur n’est rien autre que ce questionnement, aiguisé, affûté, poussé à l’extrême fil de son tranchant, et exprimé en son tranchant même dans l’oeuvre scéniquement présentée. Sans ce tranchant, il n’est pas d’oeuvre d’art véritable, et pas non plus d’intérêt réel spontané suscité sur un public vierge; sans ce tranchant, il ne reste plus que la savante exploitation d’un savoir-faire, aussi vain que fastidieux, quand bien même il tenterait de créer l’illusion ou d’impressionner.
L’enjeu (l’enjeu véritable de la production et présentation de spectacles “chorégraphiques” et musicaux) est ailleurs : dans la communication de coeur à coeur, d’être à être, dans la communication dans l’être, au sein de l’être, d’un artiste-danseur en situation de pratique de son art et d’un spectateur inter-participant à l’action par le jeu-libre de sa présence concrète et mentale, présence toujours qualitativement singulière, s’opérant en une disponibilité plus ou moins ouverte au champ de l’action scénique proposée.
Danser, pratiquer la danse, s’y confronter, c’est s’exposer à ce questionnement; ce questionnement sur le sens de l’ê.t.r.e - en - d.a.n.s.e ; c’est faire face (c’est faire feu...) de toutes ses ressources, de toutes ses potentialités, à ce questionnement infusant une situation donnée, articulée, présentée et assumée, en tant que situation scénique.
Danser, prendre le risque de tenter la rencontre, au sein de l’être, avec l’être-en-danse, est une démarche qui comporte donc une certaine gravité, et qui requiert à la fois une certaine humilité et une certaine vaillance. C’est cette humilité et cette vaillance de qui s’efforce de se confronter à cette expérience profonde, intérieure et grave, de l'être, à travers l’expérience de l’être-en-danse, qui je pense, devrait imposer la nécessité d’un certain regard porté sur la création, et à travers elle sur l’expression artistique ainsi envisagée.”
©L’Orchidée, DanseMusiqueVivantes
L’Orchidée, Danse et Musique Vivantes - Quelques textes
1999